Danielle
Boulaire, Au point d'épine ; 186 pages
De
l’effroyable boucherie que fut la Première
Guerre
Mondiale, on ne percevra ici qu’un écho assourdi. Car si
la Grande Guerre
est au cœur de ce roman, c’en est une autre, presque imperceptible, qui nous
est contée : celle que mène Rosalie contre les heures et contre elle-même.
Rosalie,
jeune fille promise à Etienne, lequel est au front. Loin, longtemps, très
longtemps. Pour meubler l’attente, Rosalie n’a que son trousseau qu’elle
brode avec patience et art, avec colère aussi, tout en contemplant une rare
carte postale qui a franchi les lignes, la même qui, des années plus tard, témoignera
du trouble ignoré de ces mois, fixée au-dessus du lit conjugal. Rosalie brode
et imagine son destin de femme, tout tracé. Etienne reviendra, la guerre sera
finie et la vie reprendra ses droits. Mais la vie tient rarement les promesses
de l’amour. Rosalie ne sera plus la promise qu’Etienne a laissé en arrière.
Sur
l’envers et l’avers d’une carte postale à la symbolique naïve,
infiniment réinterprétée, Danielle Boulaire dont c’est ici le premier
roman, brode elle aussi une histoire, en ton mineur, à la manière d’un thème
de jazz, celui là même qui naissait outre-Atlantique mais n’avait pas encore
traversé l’océan. Et cette histoire est celle, pudique et rageuse à la
fois, d’un éveil incertain, d’une révolte contenue qui appartient aux
femmes du siècle passé. Et du siècle présent.
ils en ont dit :
"...autour des lettres et des cartes postales, un texte
édité aux éditions Rhubarbe, très beau, très poétique. Une femme attend,
se souvient : lui est parti à la guerre, dans les tranchées, lui a écrit.
Elle brode son trousseau comme elle brode le temps, sa vie de détailsapres ou
tendres. Les souvenirs prennent corps, font sens et en même temps sont comme
adoucis du voile du passé.
Toute une vie qui s'écoule, lentement."
le Bien Public, 9 décembre 2007